Quel point commun peut-il exister entre Vesta, déesse romaine du foyer et équivalente de l’Hestia grecque, et la FNAIM ? A priori, aucun. Pourtant, les professionnels de l’immobilier, jamais à court d’idées, ont décidé d’en faire leur emblème, leur caducée, à l’instar des notaires par exemple. Avec en surplus cette maxime, et en latin s’il vous plaît, Lucere defendere. Éclairer et défendre. Tout un programme. À ceci près que la FNAIM se garde bien de préciser qui elle entend défendre.
Le bailleur ou le locataire ?
Visiblement pas ce dernier compte tenu des récentes prises de position à l’occasion des élections municipales en vue de la suppression de l’encadrement des loyers. Et ne parlons pas de la proposition, heureusement remisée aux calendes grecques, visant à instituer un fichier des incidents de paiement locatifs.
La défense du vendeur ou de l’acquéreur ?
Là encore, le doute est permis lorsque l’on voit la récente mésaventure d’un agent immobilier pris à partie sur le internet car il avait proposé la vente d’un logement près du double de sa valeur de marché, soit 945 000 € le studio de 30 m². Et l’agent immobilier d’assurer avoir « mis à ce prix pour voir les réactions des acheteurs, pas pour créer un scandale ». Les candidats acquéreurs ont effectivement apprécié la démarche… L’exemple type démontrant que le comportement des professionnels a une incidence sur la hausse des prix. Mais dans la mesure où la rémunération de l’agent immobilier est fonction du montant de l’opération, la tentation peut être grande de chercher à vendre le plus cher possible, surtout en zone tendue.
Mais alors, pourquoi un caducée ?
Pour la FNAIM, car c’est elle qui a porté ce projet, « c’est un symbole fort d’aptitude, de respect de la réglementation et surtout de reconnaissance d’une profession encadrée par la loi ». On frôlerait presque le complexe d’infériorité par rapport à ces professions qui ont la « chance » de pouvoir exhiber un emblème, un caducée, une Marianne… Vu le nombre d’agences immobilières en France, on risque de voir fleurir cette enseigne à tous les coins de rues au point que le consommateur n’y prêtera guère plus d’intérêt que la démarche ne le mérite.
Mais indépendamment de cela, une telle initiative risque surtout d’induire en erreur le grand public. Car si les agents immobiliers doivent être titulaires d’une carte professionnelle, ce n’est pas le cas de leurs collaborateurs. D’ailleurs, très récemment un grand réseau national placardait des annonces publicitaires un peu partout déclarant recruter. Le profil recherché ? « Hommes ou femmes, très motivés ; c’est tout ». Et de poursuivre : « Le reste on s’en occupe ». Aucune condition de diplôme exigée… Une annonce qui s’articule mal avec les exigences d’une profession réglementée. Cela, les notaires l’ont bien compris, le Conseil supérieur du notariat ayant précisément attaqué la FNAIM sur ce caducée et le détournement d’emblème d’État.
De même on ne saurait mettre en avant l’aspect réglementé de cette activité pour, en parallèle, s’opposer à toute mesure qui viendrait précisément l’encadrer : honoraires de location, plafonnement du coût de l’état daté en copropriété ou des lettres de relance, instauration d’un contrat type de syndic… Lorsque l’on se vante d’être une profession réglementée, il faut alors en accepter toutes les contraintes. Ce qui est loin d’être le cas…
En réalité, ce caducée, cette Vesta, est-elle si importante que cela ?
On pense souvent que l’herbe est plus verte dans le champ du voisin. Plutôt que de singer, en moins bien, ce que d’autres font, pourquoi les professionnels ne cherchent-ils pas à développer leurs propres spécificités ? Et sur ce point, ils ne manquent pas d’atouts, loin de là. Pensez donc, il s’agit de la seule profession non-ordinale dotée d’un code de déontologie et ayant une Commission de discipline composée de représentants des consommateurs. Du jamais vu et un signe de modernité qui devrait être source d’inspiration pour beaucoup. Il est juste dommage que cette Commission, créée sur le papier, ne soit toujours pas effective à l’heure actuelle. Sur ce point, les professionnels rassureraient davantage les consommateurs en en exigeant la mise en place sans délai plutôt que de débattre sur la création d’un emblème qui n’aura pas d’impact sur la perception du public.